Les principales questions que les salariés se posent pendant l’épidémie du Covid19

 

Un salarié peut-il refuser de travailler sur le lieu de travail pendant la période de pandémie ?

Oui, si l’existence d’un danger grave et imminent est avérée.

Si l’existence d’un danger grave et imminent est avérée, l’employeur ne peut pas sanctionner un salarié qui exerce son droit de retrait. L’article L4131-3 du Code du travail interdit toute sanction disciplinaire lorsqu’un salarié a utilisé légitimement de son droit de retrait. Il doit cependant alerter son employeur de la situation.

Un danger grave et imminent se définit selon les dispositions du Code du travail comme une situation dans laquelle le salarié se sentirait potentiellement menacé par un risque de blessure, d’accident ou de maladie. A titre d’exemple, l’absence d’équipements de protection collective ou individuelle peut être considéré comme une justification suffisante pour exercer son droit de retrait.

 

Votre employeur peut-il vous licencier pendant la période de confinement ?

Oui, vous pouvez être licencié en période de confinement.

Les dispositions du Code du travail restent les mêmes concernant le licenciement et la démission. Cela a d’ailleurs été rappelé par le Ministre du Travail Madame Muriel Pénicaud.

Attention, ce principe doit être nuancé : il y a des conditions. En effet, les entreprises les plus fortement touchées par la crise pourront recourir au licenciement économique, à condition de se trouver déjà dans une situation délicate avant l’épidémie. Celles comptant plus de 10 salariés devront obligatoirement consulter le Comité social et économique avant toute procédure.

De plus, un licenciement peut être prononcé pour cause réelle et sérieuse si le salarié utilise son droit de retrait de manière abusive, c’est-à-dire sans motif raisonnable. Encore faut-il prouver cet abus.

Enfin, rappelons que le dispositif du chômage partiel a été augmenté en France pour limiter le plus possible le licenciement.

 

Quels sont les modalités de ce licenciement ?

Les modalités doivent demeurer inchangées. Cependant, les circonstances obligent l’assouplissement de la procédure classique : la jurisprudence à venir déterminera les modalités.

Pour que votre licenciement soit régulier, il est en effet obligatoire pour l’employeur d’organiser un entretien préalable au licenciement. Or, il est actuellement difficile de se déplacer. Deux solutions peuvent être envisagées par votre employeur : un entretien préalable par visioconférence ou par téléphone.

Concernant un entretien préalable par visioconférence, bien que la Cour de Cassation n’a pas encore eu à se prononcer sur le sujet, certaines cours d’appel ont admis la régularité d’un tel entretien dans la mesure où l’employeur et le salarié s’en sont entendus (CA Rennes, 9e chambre prud’homale, 11 mai 2016, n° 14/08483).

Cependant, d’autres cours d’appel n’avaient pas jugé cet outil comme régulier au regard des dispositions du code du travail. Il est important de préciser que la période que nous vivons est exceptionnelle au regard de la jurisprudence : il n’est pas dit que la solution prise par la Cour d’appel de Rennes sera suivie pour les contentieux futurs, mais il est fort probable que la jurisprudence sera plus apte à considérer cette solution comme recevable au regard des circonstances.

Concernant l’entretien préalable par téléphone, la Cour de Cassation s’est prononcée sur la question de manière défavorable (Cass. Soc, 14 novembre 1991, n°90-44.195) :

« Une conversation téléphonique ne saurait remplacer l’entretien préalable. »

Toutefois, cette solution a été prise en 1991. Aujourd’hui, encore une fois au regard des circonstances exceptionnelles, la position de la Cour ne serait probablement pas la même.

 

Quelles sont les obligations pour les salariés qui se déplacent sur leur lieu de travail ?

Assurer votre sécurité et celle des autres.

Il convient de suivre les recommandations sanitaires disponibles sur le site du gouvernement (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus).

En outre, au terme de l’article L. 4122-1 du code du travail, « conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. »

En conséquence, un salarié se doit d’assurer personnellement sa propre sécurité ainsi que celle de ses collègues en respectant les consignes sanitaires qui sont données par le gouvernement.

 

Quelles sont les sanctions pour les salariés qui ne respectent pas ces obligations ?

Votre employeur pourra vous sanctionner.

Au terme des dispositions de l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires « pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des travailleurs ». A ce titre, l’employeur peut être fondé à prendre des dispositions contraignantes pour assurer la protection de la santé du personnel après évaluation du risque de contagion dans l’entreprise, dont prendre les mesures qui semblent s’imposer en cas de non-respect des règles de l’entreprise ou de mise en danger d’autrui.

 

Un salarié peut-il se rendre au travail en présentiel s’il le décide ?

La réponse est mitigée. En théorie, oui, en pratique non sauf si sa présence sur son lieu de travail est indispensable.

En effet, le télétravail est recommandé par le gouvernement pour la santé de tous. Cependant, si l’employeur ne s’oppose pas à sa présence et qu’il n’est pas une personne dite « à risque », le salarié peut reprendre son travail en veillant à bien respecter les mesures barrières, et en prévenant son employeur.

Pour rappel, les mesures barrières sont :

  • respecter les mesures habituelles d’hygiène, notamment se laver fréquemment les mains avec du savon ou les désinfecter avec une solution hydroalcoolique à défaut ;
  • surveiller sa température 2 fois par jour ;
  • surveiller l’apparition de symptômes d’infection respiratoire ;
  • dans la vie quotidienne, adopter des mesures de distanciation sociale (pas de contact, mettre de la distance)
  • dans la vie quotidienne, éviter tout contact avec les personnes fragiles (femmes enceintes, personnes âgées, personnes handicapées, etc.) ;
  • en cas de signes d’infection respiratoire, contacter le 15.

En conclusion, le salarié doit veiller à sa sécurité et à celle des personnes qu’il est amené à côtoyer. Si des précautions sont prises, le travail ne semble pas poser de problème.

 

Quelles sont les obligations de l’employeur vis-à-vis de la sécurité des salariés en période de pandémie ?

L’employeur a des obligations de sécurité concernant les salariés, énumérées dans le Code du travail.

L’article L.4121-1 du code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

« 1°Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. »

En cette période, les personnes à risque doivent rester confinées et ne surtout pas se déplacer sur leur lieu de travail. L’employeur devra aussi rendre obligatoire le port de masques et le cas échéant de gants au sein de l’entreprise, ainsi que rendre possible le respect des règles de distanciation.

S’il ne le fait pas et que cela porte préjudice à un travailleur, une procédure prud’hommale pourra être envisagée.

Dans le même sens, une décision récente de la Cour d’appel de Grenoble est venue préciser les obligations de l’employeur en matière de contagion de la tuberculose : l’employeur en sa qualité de professionnel averti doit avoir conscience de l’importance de l’information, à savoir qu’une personne est contaminée, et de la nécessité de prévenir le danger auquel se trouvent exposés les salariés à savoir un risque de contamination au contact de la personne infectée.

Or, en l’espèce, l’employeur a laissé une auxiliaire de vie sociale travaillant dans un EHPAD au contact de la résidente sans matériel de protection adapté et sans que des mesures d’information et d’isolement préventif de la résidente ne soient prises.

Au vu de ces éléments, la Cour d’appel de Grenoble a retenu que l’employeur avait commis une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale (CA de Grenoble, Chambre sociale, 18 février 2020, n° 17/02350).

Au regard de l’espèce, il y a de fortes chances que les différentes juridictions se servent de ce précédent pour juger des cas de contamination de coronavirus sur le lieu de travail.

 

Que faire si un salarié présente les symptômes d’une forme aggravée du virus ?

Il doit rester chez lui.

Si vous êtes une personne présentant de fort risques identifiés par l’agence régionale de santé (ARS) et qu’aucune autre solution ne peut être retenue, vous pouvez vous mettre en arrêt de travail, et serez indemnisé dans les conditions d’un arrêt maladie sans application des jours de carence, pour la durée d’isolement préconisée. Ce dispositif n’est valable que pour les personnes présentant des risques importants de contamination (grossesse, obésité, maladies immunodépressives…), ce qui le rend exceptionnel. Du fait de ce caractère exceptionnel, vous ne devez pas vous rendre chez votre médecin généraliste ou à l’hôpital pour obtenir cet arrêt : il convient de s’informer auprès de l’ARS.

Enfin, sans arrêt de travail, mais sous ordre de votre employeur, vous pouvez rester chez vous sans que votre rémunération ne soit suspendue (voir question sur le chômage partiel).

 

L’employeur peut-il vous imposer de prendre des congés payés pendant la période de confinement ?

Oui, il peut vous imposer de prendre vos congés payés ou de modifier leur date.

Selon l’article 1er de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée de travail et de jours de repos, l’employeur peut imposer la prise de congés payés à son salarié ou lui imposer de modifier les dates des congés payés qu’il avait posé dans la limite de six jours ouvrables, soit une semaine de congés payés, en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc, tout cela sans accord préalable du salarié.

 

L’employeur peut-il imposer la prise de jours de RTT pendant la période de pandémie ?

Oui, l’employeur peut imposer la prise de jours de RTT.

Au terme des dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-323 au même titre que pour les congés payés, l’employeur peut imposer ou modifier la prise de jours de RTT. Il peut le faire sous préavis d’un jour franc au regard des circonstances exceptionnelles intervenues depuis l’apparition du CoVid19.

 

Quid du chômage partiel mis en place pour les salariés déjà placés en télétravail ?

Vous devez être payé et effectuer vos heures au titre du chômage partiel imposé.

Lorsqu’un salarié est placé en chômage partiel, son contrat de travail est suspendu pendant le temps des heures chômées (article L5122-1 du Code du travail).

Cela veut dire que le salarié télétravaille sur les heures non-chômées, et ne travaille pas durant les heures chômées. C’est-à-dire que vous n’avez absolument pas à vous tenir à la disposition de votre employeur ou à effectuer votre travail sur ce temps.

Si cette procédure n’est pas respectée et que l’employeur vous fait travailler sur les heures chômées, alors celui-ci s’expose à de nombreuses sanctions.

 

Quelles sont les sanctions encourues par l’employeur qui ne respecterait pas les conditions du chômage partiel ?

L’employeur, s’il décide de faire travailler son salarié à temps plein en le payant au titre du chômage partiel s’expose notamment :

  • A verser au salarié un rappel de salaire correspondant à la différence entre le montant du salaire que le salarié aurait dû percevoir et le montant de l’indemnité d’activité partielle qui lui a été versée
  • A un emprisonnement de deux ans et une amende de 30.000 € pour les personnes physiques, 150.000 € pour les personnes morales, puisque cela constitue une fraude au terme des dispositions de l’article L. 5124-1 du Code du travail.
  • A rembourser l’allocation d’activité partielle perçue, ainsi que l’interdiction de bénéficier, pendant une durée maximale de cinq ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle au terme des dispositions des articles L. 8272-1 et D. 8272-1 du Code du travail.
  • A verser au salarié une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire en cas de rupture du contrat de travail pour travail dissimulé au sens de l’article L. 8221-5 du Code du travail
  • A un redressement URSSAF selon les dispositions de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale.