Prestations familiales : la CJUE abolit la condition d’entrée régulière des enfants étrangers

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Sommaire

À la fin du mois de juillet 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché : l’examen de la condition d’entrée régulière des enfants étrangers pour l’attribution des prestations familiales n’a plus lieu d’être. Par une instruction adressée aux CAF, au Centre de Ressources et aux caisses multibranches, la France est invitée à se conformer à cette décision européenne jugée plus juste et plus égalitaire. 

L’article L.512-2 du Code de la Sécurité sociale, une mesure discriminatoire selon la CJUE

L’article L.512-2 du Code de la Sécurité sociale souligne que les prestations familiales ne sont accordées aux familles de pays tiers séjournant en France qu’à la condition de justifier l’entrée régulière de leurs enfants.

Selon l’article D512-2 du CSS, cette régularité doit être prouvée par : 

  • un extrait d’acte de naissance de l’enfant en France,
  • un certificat de contrôle médical de l’enfant octroyé par l’Ofii à l’issue de la procédure d’introduction ou d’admission au séjour dans le cadre d’un regroupement familial,
  • un livret de famille ou un acte de naissance de l’enfant délivré par l’Office français de protection des réfugiés ou apatrides (l’acte de naissance doit s’accompagner d’un jugement confiant la tutelle de l’enfant à l’étranger demandeur des prestations familiales)
  • un visa au nom de l’enfant et délivré par l’autorité consulaire,
  • une attestation de la préfecture assurant que l’enfant est bien entré en France en même temps que l’un de ses parents admis au séjour,
  • ou un titre de séjour pour les adolescents âgés de 16 à 18 ans. 

La CJUE estime cette exigence “discriminatoire” dans la mesure où les ressortissants français, des États de l’UE et de l’AELE résidant légalement dans l’Hexagone bénéficient des prestations familiales de plein droit. 

Dans sa lettre d’instruction au réseau parue le 31 juillet 2025, la cour de justice de l’Union européenne rappelle que la Directive 2011/98/UE du mois de décembre 2011 a introduit le concept de permis unique, octroyant à la fois titre de séjour et autorisation de travail.

Cette initiative, pensée pour simplifier les démarches administratives des travailleurs étrangers au sein de l’Union européenne, garantit le principe d’égalité de traitement avec les travailleurs nationaux et européens en ce qui concerne la rémunération, les conditions de travail et l’accès à l’aide sociale. 

Prestations familiales

Une affaire qui remonte à l’année 2014

L’affaire qui a mis en lumière la controverse des conditions d’accès aux prestations familiales remonte en 2014. 

Une famille de deux enfants originaire d’Arménie, entrée irrégulièrement en France en 2008, tente de se construire une vie sur le territoire. Trois ans plus tard, un nouveau-né vient agrandir la famille, après l’obtention d’une carte de séjour du père qui lui permet d’exercer légalement une activité professionnelle dans l’Hexagone.

En 2014, ce dernier décide d’entreprendre les démarches relatives à la demande des prestations familiales pour ses trois enfants. Malheureusement, la CAF des Hauts-de-Seine lui oppose un refus. La raison ? L’absence de justificatifs attestant l’entrée régulière de ses deux aînés nés en dehors du territoire. 

Égalité de traitement pour tous

Saisi du dossier, le juge national s’est interrogé sur la conformité de la réglementation française sur les conditions d’accès aux prestations familiales au principe de permis unique mentionné dans la directive 2011/98/UE.

Le 19 décembre 2024, la CJUE s’est prononcé sur l’affaire avec l’arrêt n° C-664/23. La Cour de justice a notamment insisté que le requérant, titulaire d’un permis unique, a été admis en France dans le respect au droit de l’Union et au droit français. En ce sens, il doit bénéficier du même traitement que les ressortissants français pour la détermination de ses droits, notamment en ce qui concerne l’attribution des prestations familiales.

Pour la CJUE, l’exigence de l’entrée régulière des enfants constitue une charge supplémentaire pour les travailleurs étrangers alors qu’elle ne s’applique pas aux ressortissants français ou européens. Autrement dit, elle représente une inégalité de traitement. 

La France sommée d’adapter sa législation au droit européen

Si une lettre ministre datant du 22 mai 2025 demandait déjà la suppression de l’examen de la condition de régularité d’enfants de travailleurs étrangers, la CJUE a tenu à réitérer cette requête à travers sa lettre d’instruction au réseau du 31 juillet. 

“La France est désormais tenue d’adapter sa législation nationale pour se conformer aux principes fondamentaux du droit de l’Union européenne. Cela implique notamment l’abrogation de l’exigence prévue à l’article L.512-2 et D.512-2 du CSSS, incompatible avec le principe d’égalité de traitement garanti par le droit de l’Union européenne” pouvait-on lire dans ce document de 8 pages. 

comment demander les prestations familiales

Suppression de la preuve de la condition d’entrée régulière des enfants étrangers

Désormais, la présentation d’une preuve de l’entrée régulière pour les enfants n’est plus nécessaire pour tout :

  • étranger titulaire d’un permis unique (titre de séjour autorisant à travailler en France)
  • et ressortissant de pays signataire d’un accord bilatéral de Sécurité sociale avec l’Hexagone comme l’Algérie, le Kosovo et Madagascar. 

Seule la régularité du séjour des parents est analysée. La CJUE souligne également que l’ouverture des droits aux prestations familiales inclut automatiquement dans le calcul des droits au RSA, PPA, ASF, APL et AAH. 

Les exceptions

Cependant, cette dispense ne s’applique pas à tous les ressortissants titulaires de n’importe quelle carte de séjour. Dans sa lettre au réseau, la CJUE explique que certains titres comportent des restrictions qui limitent l’accès à l’emploi comme le prévoit l’article L.414-11 du CESEDA.

En ce sens, l’exigence d’une preuve de la régularité de l’entrée des enfants est maintenue pour les ressortissants bénéficiant d’une carte de séjour avec la mention :

  • “stagiaire ICT”,
  • “stagiaire mobile ICT”,
  • “visiteur”,
  • “stagiaire”
  • ‘retraité”
  • ou “vie privée et familiale” pendant la première année pour les conjoints étrangers de résidents de longue durée UE. 

Il en va de même pour les réfugiés, les apatrides, les ressortissants bénéficiaires d’une protection subsidiaire. 

En revanche, il est à noter que les travailleurs détachés ne peuvent pas bénéficier des prestations familiales, et ce, même s’ils sont accompagnés de leur famille.

Cette exclusion résulte de l’article L512-1 du Code de la Sécurité sociale qui stipule que ces prestations ne sont pas accordées aux travailleurs détachés temporairement en France et exemptés d’affiliation au régime français de Sécurité sociale ainsi qu’aux personnes dont ils ont la charge.

Si telle est votre situation, nous vous conseillons de vous renseigner auprès du Centre des liaisons européennes et internationales de Sécurité sociale (Cleiss) pour connaître les prestations auxquelles vous pouvez prétendre. 

FAQ

Pour bénéficier des prestations familiales, vous devez justifier la régularité de votre séjour, résider sur le territoire français et avoir au moins un enfant à charge.

Dans le cadre d’une demande de prestations familiales, la présentation de l’un de ces documents vous permettra de prouver la régularité de votre séjour sur le territoire français : 

  • VLS-TS ou récépissé de demande de renouvellement,
  • titre de séjour comportant la mention “compétences et talents” ou demande de renouvellement
  • autorisation provisoire de séjour datant de plus de 3 mois,
  • carte de résident, titre de séjour temporaire ou récépissé de demande de renouvellement,
  • titre de séjour octroyé en vertu de la convention signée entre la République française, le Royaume d’Espagne et la Principauté d’Andorre ou récépissé de demande de renouvellement,
  • livret ou carnet de circulation
  • passeport monégasque avec une mention du consul général de France à Monaco valant autorisation de séjour. 

Désormais, les étrangers de pays signataire d’un accord bilatéral de Sécurité sociale avec l’Hexagone ou titulaires d’un titre de séjour leur autorisant à travailler sur le territoire sont dispensés de cette obligation.

La présentation d’un document attestant l’entrée régulière des enfants est maintenue pour les ressortissants bénéficiaires de la protection internationale ou titulaires d’un titre de séjour ne permettant pas d’exercer une activité professionnelle sur le territoire : 

  • carte “stagiaire ICT”
  • carte “stagiaire mobile ICT”
  • carte “visiteur”
  • carte “stagiaire”
  • carte “retraitée”
  • ou carte “vie privée et familiale” (strictement durant la première année de résidence sur le territoire et pour les conjoints étrangers d’un résident de longue durée UE)

Non. Les prestations familiales ne sont pas accordées aux travailleurs étrangers détachés temporairement en France et exemptés d’affiliation au régime français de Sécurité sociale ainsi qu’aux personnes dont ils ont la charge.

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