Le 18 mars 2025, les sénateurs ont adopté en première lecture une loi qui exige aux étrangers une résidence de 2 ans dans l’Hexagone pour accéder à certaines aides sociales. Aujourd’hui en phase d’étude à l’Assemblée Nationale, cette mesure ne cesse de faire réagir, mais qu’en est-il réellement ? Zoom.
L’essentiel de cette nouvelle mesure
Le 3 février 2025, Valérie Boyer a déposé au Sénat le texte n°299 (2024-2025). Celui-ci conditionne l’accès à certaines prestations sociales à une durée de séjour supérieure ou égale à 2 ans en France.
Son application est prévue le 1ᵉʳ juillet 2026 pour permettre aux caisses de Sécurité sociale d’adapter leurs systèmes d’information.
Quelles sont les prestations sociales concernées ?
Les aides sociales prévues par cette nouvelle disposition sont :
- les prestations familiales (complément familial, allocations familiales, prestation d’accueil du jeune enfant, allocations de rentrée scolaire et de soutien familial),
- les aides au logement (APL, allocation de logement familial),
- ainsi que l’APA ou allocation personnalisée d’autonomie.
À qui s’applique la condition de deux ans de séjour régulier pour bénéficier des aides sociales ?
Cette règle vise tous les étrangers non européens détenteurs d’un titre de séjour.
Toutefois, certaines catégories de personnes en seront exemptes.
Il s’agit :
- des individus ayant le statut de réfugié ou d’apatride,
- des personnes disposant d’une protection subsidiaire ou temporaire,
- des étrangers ayant une carte de résident
- et des personnes de nationalité étrangère titulaires d’un titre de séjour leur permettant de travailler.
Cette disposition ne s’applique pas non plus aux ressortissants maghrébins, turcs, libanais et issus de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne et d’Amérique du Sud en raison des traités et conventions liant la France ou l’Europe avec ces pays.
Par ailleurs, les étudiants étrangers disposant d’une carte de séjour n’ont pas besoin de justifier d’une présence de 2 ans en France pour accéder aux APL.
Une mesure inspirée d’un article censuré de la loi Darmanin
Cette disposition n’est pas totalement nouvelle puisqu’elle s’inspire de l’article 19 de la loi Darmanin, diffusée le 26 janvier 2024.
Ce dernier imposait aux étrangers non européens 5 ans de séjour régulier ou 2 ans et demi d’activité professionnelle en France pour bénéficier des APL, des allocations familiales et de l’APA. Toutefois, il a été censuré par le Conseil constitutionnel qui le considérait comme cavalier législatif, n’ayant aucun lien avec son objectif initial.
À titre de rappel, la législation en vigueur exige déjà aux étrangers une résidence continue de neuf mois sur le territoire pour pouvoir bénéficier des aides sociales. De nombreux sénateurs jugeaient la proposition initiale de cinq ans excessive et attentatoire à certains droits fondamentaux, ce qui a conduit à ramener cette durée à deux ans.
« L’immigration coûte plus à la France qu’elle ne rapporte »
Lors de sa déclaration présentant cette proposition de loi, la sénatrice Valérie Boyer a souligné la situation problématique de la France concernant l’immigration.
L’Organisation de coopération et de développement économiques, dite OCDE, estime que cette dernière coûterait bien plus cher à l’Hexagone qu’elle ne devrait en rapporter. Pour étayer ces propos, Valérie Boyer rappelle qu’en 2023, les coûts liés à l’immigration étaient de l’ordre de 75 milliards d’euros.
Selon elle, la mise en place de mesures visant à résoudre le problème est indispensable, car les comptes publics ne pourraient couvrir ces frais.
Accès aux aides sociales : l’impact réel des 2 ans de séjour remis en question
L’impact réel de cette condition de séjour pour l’accès à certaines prestations sociales suscite de nombreuses interrogations sur le plan financier.
D’après la sénatrice Florence Lassarade, la nationalité des bénéficiaires d’allocations familiales n’est pas renseignée par la Caisse nationale. En ce sens, le calcul précis des frais versés aux foyers se révèle impossible.
Le rapporteur de l’Union centriste Bruno Bitz estime aussi que cette nouvelle disposition nécessite la réévaluation des accords liant la France avec d’autres pays, car la marge de manœuvre est assez restreinte.
Une proposition de loi qualifiée « d’inconstitutionnelle »
Les oppositions de gauche estiment que la droite cherche à instaurer « une préférence nationale » dans la législation.
Deux motions, visant à annuler cette proposition de loi, ont d’ailleurs été déposées :
- l’une dénonçant le caractère inconstitutionnel du texte
- et l’autre remettant en question la réelle nécessité d’une délibération.
Pour la sénatrice Laurence Rossignol, il s’agit d’une mesure contraire aux principes qui constituent le socle de la République et inefficace dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Elle souligne qu’une telle disposition risque surtout de fracturer la société qui a besoin de cohésion. Un avis appuyé par Ian Brossat qui considère que cette disposition vise simplement alimenter le débat public et n’aboutira à rien.
La sénatrice de Meurthe-et-Moselle Silvana Silvani accuse même la majorité sénatoriale de « prendre le chemin du trumpisme ». Quant au sénateur Olivier Heno, il rappelle qu’il est possible de réguler l’immigration sans basculer dans l’extrême ni dans la xénophobie.
Aucune prise de position du gouvernement
Bien qu’il reconnaisse la pertinence de cette mesure face aux préoccupations des Français concernant l’immigration, l’exécutif s’est abstenu de prendre position.
Le gouvernement estime que l’effet réel de cette mesure serait modeste au regard des ajustements conséquents qu’elle imposerait aux caisses de Sécurité sociale. Une décision fustigée par Ian Brossat qui la considère comme un signe de « lâcheté ».
Les tentations de la gauche à faire tomber cette proposition de loi ont finalement été vaines, car la majorité sénatoriale a décidé de l’adopter le 18 mars 2025.
Franchement je comprend qu’on veuille mieux encadrer les aides, mais 2 ans de résidence c’est énorme, surtout pour des gens qui bossent ou qui galèrent dès leur arrivée. On parle d’aides de base pour vivre dignement, pas de privilèges. Y’a un moment faut se demander si on veut intégrer les gens ou juste les décourager… Quand cette mesure sera-t-elle appliquée exactement?
Bonjour Sandro,
Nous vous remercions pour cet avis. Bien que cette mesure ait été adoptée en première lecture par le Sénat, elle est encore actuellement en phase d’étude à l’Assemblée nationale. Nous restons à votre écoute si vous avez besoin d’informations complémentaires.
Euh… est-ce que je dois remplir cette critère pour obtenir des aides sociales si je suis réfugié en France svp?
Bonjour Fabrice,
Non, cette disposition ne s’applique pas aux ressortissants étrangers ayant le statut de réfugié.