Entre recours dématérialisés obligatoires, juge unique, exigences linguistiques renforcées et autres mesures, les décrets du mois de juillet 2025 portant sur la naturalisation et les visas court séjour suscitent de vives controverses. Présentés comme une modernisation des procédures, ces textes sont perçus par le Conseil National des Barreaux (CNB) comme un nouveau tour de vis administratif.
Décret n°2025-648 : vers une naturalisation plus élitiste ?
Le décret n°2025-648 du 15 juillet 2025 change la donne pour les demandeurs de la nationalité française.
Le niveau B2 en français exigé
Dès le 1ᵉʳ janvier 2026, le niveau B2 de la langue de Molière sera un critère décisif pour être naturalisé. Une marche plus haute et plus difficile à gravir pour de nombreux candidats.
L’assemblée générale du Conseil National des Barreaux dénonce cette mesure jugée discriminatoire qui écarte les ressortissants pourtant bien intégrés, mais au parcours scolaire ou linguistique fragile. Un avis partagé par de nombreuses associations, dont la Cimade et le Secours catholique qui ont proposé à des volontaires français de la Vendée de passer deux des quatre épreuves du DELF B2.
La plupart des participants ont reconnu la complexité des tests. “J’ai trouvé cet exercice ardu, car il demande beaucoup de concentration et nécessite la maîtrise d’une vraie méthodologie” a déclaré Olivier, titulaire d’un Bac+2, sur l’épreuve de compréhension orale.
Un examen civique obligatoire
Modifiant les dispositions du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993, ce nouveau décret impose aussi aux ressortissants étrangers la réussite d’un examen civique pour prouver leurs connaissances de l’histoire, des institutions et de la culture de l’Hexagone.
Bien qu’ils saluent l’intention de favoriser une meilleure transparence dans l’évaluation des candidats, de nombreux avocats en droit des étrangers s’inquiètent du réel fondement de ce test qu’ils considèrent comme étant “un outil d’exclusion culturelle”.
Sélection des candidats et procédures de recours révisées
Le décret n° 2025-648 rebat les cartes du processus de naturalisation, tant sur l’évaluation des candidatures que sur les voies de recours.
À compter du 1ᵉʳ janvier 2026, seuls les dossiers jugés “favorables” par les préfectures donneront lieu à un entretien d’assimilation.
La saisine du ministre chargé des naturalisations au moyen d’un recours en cas de classement sans suite n’est plus nécessaire et tout recours administratif visant à contester un refus devra désormais passer par l’ANEF, le téléservice utilisé pour le dépôt de dossier.
Pensée pour fluidifier les démarches et accélérer les délais, la dématérialisation des recours administratifs crée pourtant une onde de choc chez les avocats spécialisés en droit des étrangers. Pour le CNB, l’extension de la plateforme ANEF dépasse la simple modernisation. Elle entrave l’exercice du métier et fragilise le droit au recours des personnes.
Concrètement, l’avocat ne peut pas intervenir directement sur le téléservice — laissant ainsi le demandeur seul face à une procédure numérique complexe, là où l’assistance juridique est essentielle.
Décret n°2025-714 du 28 juillet 2025 : un juge unique pour les litiges liés aux visas de court séjour
Réécrivant les R-22-13 du Code de justice administrative (CJA), R312-6 et R312-7-3 du CESEDA, le décret n°2025-714 chamboule les règles en matière de contentieux administratif.
Ce texte, paru le 28 juillet 2025, supprime la collégialité, confiant à un seul juge le soin de trancher sur les litiges liés aux :
- visas de court séjour,
- autorisations de voyage
- et naturalisations.
La présence et l’avis d’un rapporteur public ne seront plus nécessaires. Bien qu’il soit présenté comme une simplification procédurale, beaucoup perçoivent ce changement comme un affaiblissement des garanties d’impartialité.
Face à ces réformes jugées excessives, l’Assemblée générale du Conseil National des Barreaux a chargé son Bureau d’engager les recours nécessaires pour contester les décrets du 15 et du 28 juillet 2025. Affaire à suivre…