Moins d’un an après le lancement de la loi Darmanin, le gouvernement prévoit déjà de la réformer pour 2025. Au cours du mois d’octobre 2024, la porte-parole Maud Bregeon a confirmé l’existence d’un nouveau texte qui serait examiné au début de l’année au Parlement.
Nouvelle loi immigration en 2025 : pour quelles raisons ?
Le dimanche 13 octobre 2024, la porte-parole officielle du gouvernement Maud Bregeon évoquait la nécessité d’une réforme de la loi asile et immigration au micro de BFMTV. Dans son discours, elle ajoute qu’un nouveau texte était déjà prévu par l’exécutif et que son examen débuterait au début de l’année 2025.
L’objectif de cette nouvelle loi porte principalement sur la prolongation de la durée de placement en CRA des sans-papiers considérés comme dangereux en France. Cette décision est apparue comme une évidence aux yeux du gouvernement depuis le meurtre de l’étudiante Philippine Le Noir de Carlan par un ressortissant marocain en 2024.
La réforme prévoit d’étendre la durée maximale de placement en CRA à 210 jours. Jusqu’à aujourd’hui, cela n’était possible qu’en cas d’infraction terroriste.
Tour d’horizon sur les lois votées sous l’égide d’Emmanuel Macron
Pour avoir une vision plus éclairée de la réforme de la loi asile et immigration prévue pour 2025, il convient de faire un tour d’horizon sur les lois votées au cours des deux mandats du président de la République Emmanuel Macron.
La loi du 10 septembre 2018
La loi promulguée en septembre 2018 écourtait les délais de dépôt et de traitement des demandes d’asile. Ainsi, les ressortissants étrangers n’avaient que 90 jours pour déposer leur dossier. Leur traitement se faisait dans un délai record de 4 mois d’après l’Ofpra.

La loi portant sur les valeurs de la République
Adoptée en août 2021, cette loi vise à affirmer davantage les principes fondamentaux de la République. Elle interdit aux ressortissants étrangers en quête de régularisation en France de vivre en état de polygamie. Ce texte impose également le rejet et le retrait de carte de séjour à toute personne de nationalité étrangère ne respectant pas les principes de la République. Toutefois, cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons d’imprécision.
La loi Darmanin
La loi Darmanin voit le jour trois ans après.
Cette dernière intensifie les procédures d’éloignement, imposant notamment une OQTF à tout étranger constituant une menace pour l’ordre public. Cette mesure concerne autant les demandeurs d’asile que les personnes ayant des attaches personnelles et familiales en France.
Outre le refus de carte de séjour, elle concerne aussi les personnes :
- présentes en France avant leur treizième année,
- ainsi que les conjoints de citoyens français.
Le placement en CRA ou l’assignation à résidence est inévitable pour les personnes refusant de quitter la France de leur plein gré.
Cependant, le Conseil constitutionnel a grandement raccourci ce texte en censurant la plupart de ses articles comme ceux portant sur :
- les restrictions d’accès au séjour des ressortissants malades,
- et l’enregistrement des empreintes digitales des sans-papiers sans leur consentement.
À sa publication, la loi Darmanin ne comportait plus que 51 articles au lieu des 86 initiaux.
La réforme de la loi immigration, basée sur les mesures censurées de son aînée
Le texte envisagé pour 2025 relance les discussions autour des mesures invalidées de la loi Darmanin, promulguée en janvier 2024. Le gouvernement déclare s’être inspiré de ces mesures pour la mise en œuvre de cette réforme en ajustant quelques-unes. Il envisage également d’émettre de nouvelles propositions pour une meilleure maîtrise du flux migratoire.
Maud Bregeon affirme que le gouvernement consultera l’ensemble des groupes parlementaires avant la présentation cette nouvelle loi. Toutefois, elle déclare l’accord du Rassemblement national comme non indispensable.
Qu’en pense le Rassemblement national ?
De nombreuses personnes perçoivent l’empreinte idéologique du Rassemblement national dans cette volonté de réformer la loi asile et immigration. Pourtant, Maud Bregeon insiste sur le fait que le gouvernement ne prend pas ses décisions en fonction de celui-ci.
De son côté, Jordan Bardella a déclaré sur le plateau de BFMTV que rien ne peut se faire au sein du Parlement sans son parti. Cependant, il dit vouloir attendre de voir ce que contient réellement cette nouvelle loi pour émettre son avis.
Le député du Rassemblement national, Jean-Philippe Tanguy, lui, se réjouit de cette nouvelle et s’impatiente de son application. Il considère les mesures censurées comme nécessaires et se dit en faveur d’une régularisation à zéro des clandestins.

Le camp présidentiel mitigé
La partie est loin d’être gagnée pour le gouvernement face à une Assemblée visiblement divisée. En plus de l’opposition de la gauche, le RN fixe ses conditions. À titre d’information, le parti de Marine LePen fait de la présentation d’une nouvelle loi immigration une « ligne rouge ». De son côté, le camp présidentiel risque de se crisper face à un texte trop strict.
La députée Stella Dupont, elle, estime cette réforme comme inopportune, car la loi de 2023 n’est pas encore totalement appliquée. Quant au député Guillaume Gouffier, il souligne la nécessité de la mise en œuvre du pacte asile et migration européen et de l’application loi de 19 décembre 2023.
Pour rappel, cette dernière restreint l’accès au logement et aux protections sociales des étrangers. On compte parmi ses mesures :
- la remise à la rue des étrangers déboutés de leur demande d’asile ;
- l’octroi strict du droit au logement opposable aux étrangers présents en France depuis plus de 5 ans ou exerçant une activité professionnelle depuis plus de 30 mois ;
- et la suppression de l’APL ou aide personnelle au logement pour tout étranger ne remplissant pas les conditions exigées, soit 5 ans de résidence en France ou 30 mois d’ancienneté de travail sur le sol français.
De son côté, Gabriel Attal ne considère pas cette réforme comme une priorité. Pour le chef du groupe Ensemble pour la République, une explication claire de ce que contiendrait cette loi est indispensable avant son application.